Drancy

Publié le par Paul Chytelman

Après mon arrestation par la Gestapo, j’ai passé quelques  jours à la Maison d’arrêt de Mende, puis nous fûmes transférés à la Maison centrale de Montpellier où j’ai passé quelques jours.

C’est menotté aux poings comme des criminels de grand chemin, convoyés par des gendarmes français, que nous sommes arrivés dans la cour de la gare du P.L.M. à Paris, dite de Lyon, à la tombée de la nuit du 28 Janvier 1944.

Deux autobus parisiens à plate forme nous attendaient dans la cour et les gendarmes qui nous avaient convoyés jusqu’alors, nous remirent à d’autres gendarmes. Après être montés dans ces bus les uns après les autres, nous avons été libérés de nos « bracelets » puis le petit convoi s’ébranla et parcouru les rues de la capitale. Revoir Paris dans ces conditions fut une dure épreuve pour moi qui connaissait chaque boulevard emprunté et les places traversées. Bastille, Richard Lenoir, le canal, puis Drancy.

          Une grande porte cochère fut vite ouverte par des gardes mobiles, et sitôt  dans la cour, un arrêt brutal.

Nous distinguions de grands bâtiments hauts de trois étages, dont les toits étaient en terrasse sur lesquelles on apercevait les fûts jumelés de canons anti-aériens.

          Nous avons été dirigés vers un de ces bâtiments, où nous devions passer une seule nuit, selon les dires de personnes portant l’étoile de David qui nous avaient accueillis,

          La salle dans laquelle nous avons été dirigés, était de grande surface, remplie de châlits avec paillasse, sur laquelle nous avons pu nous allongés. Hélas des occupants peu amènes, du genre punaises, puces et autres, nous chassèrent de notre couche. Nous avons terminé la nuit assis sur nos talons, ou  trop las, allongés à même le sol en béton.

          Le matin, vers sept heures, on vint nous chercher pour les diverses formalités  d’entrée. Fouille des bagages, remise de tous nos biens, nous ne devions garder ni bijoux, ni argent ni papiers. Puis au bureau central, nous avons du décliner, après un interrogatoire serré notre identité, notre ascendance, notre situation matrimoniale …paradoxe, un reçu détaillé nous fut délivré pour les valeurs et documents que nous avions remis. Ce document resté dans une poche de vêtement, disparut lors de mon passage à la douche à Auschwitz.

Douche, désinfection, on nous a assigné un nouveau logement qui lui, est propre. Le plafond était inachevé, les murs blanchis à la chaux, avec au milieu de l’un d’eux  un grand lavabo à multiples robinets, des paillasses au sol à demi pliées vers le mur, nous étions dans un dortoir pour un séjour dit de quarantaine.

          Ceux qui ne la possédaient pas devaient coudre une étoile jaune sur leurs  vêtements. Cet endroit est un de ceux appelé  de « quarantaine » car nous ne devions plus avoir de contact, avec les nouveaux arrivants.

C’est dans cette chambrée que j’y rencontrai Jacques pour la première fois.

Suit une partie très imprécise de mon séjour dont je ne garde qu’une vision assez floue, le reste de ma déportation dominant sans doute la mémoire de ce lieu de transit. 

Il nous fut remis un carton de couleur suivant la catégorie dans laquelle nous avons été classé : bleu pour ceux qui devait y faire une durée de séjour relativement moyenne, mauve pour ceux dont le transfert est imminent, vert pour les durées plus longues. Nous ignorions totalement qui décidait de l’attribution des cartons, de leur couleur et les critères de chacun des groupes.

          L’emploi du temps était régit de façon simple, après le réveil, nettoyage de la pièce, puis l’appel fait par le « chef » de chambrée. Au coup de sifflet nous allions chercher le café à la cuisine, puis lecture ou jeux de cartes dans la chambrée ; à midi soupe et légumes, le soir soupe, fromage, dessert.

Mon séjour fut relativement bref. Arrivé le 29 janvier, je fus appelé le 3 février au début de l’après-midi. Dans la cour quelques bus stationnaient déjà, quelques gendarmes français faisaient les cent pas et ce fut le transbordement vers la gare de Bobigny, habituellement affectée au transport des marchandises. Survint cette tentative d’évasion empêchée par un gendarme zélé,  respectueux des ordres reçus, exécutés sans remords ni conscience.

Il ne me reste de ce séjour à Drancy que l’image d’un grand quai d’embarquement arpenté par des soldats allemands, quelques chiens tenus en laisse, des ordres gutturaux et la violence de ceux qui nous « invitaient » à nous hisser à bord de ces wagons. Une certaine effervescence agitant les soldats, la poussée se faisant  plus vive, les portes se fermèrent avec fracas, nous plongeant dans une quasi obscurité. La lumière qui nous venaient des petites ouvertures fut à son tour supprimée, les rabattants furent fermés de l’extérieur, des vociférations éclatèrent, la porte se rouvrit, un corps fut projeté à l’intérieur, il s’agissait de Willy HOLT , l’Américain dont je fais état dans mon livre de souvenirs.

Quelques minutes après commença la « transhumance » vers la Germanie

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