Paladines

Publié le par Paul Chytelman

12 Juillet 2006 au  Malzieu-Ville.

 

Nous voici de nouveau, mon épouse et moi, au Malzieu-Ville, cette fois comme invités par le syndicat d’initiative de la commune, organisant une journée d’activités culturelle et artisanale le 14 juillet…

Vu l’intérêt que la population m’avait porté lors de ma précédente venue, la direction de cet organisme m’avait convié afin que je dédicace les livres que j’ai écrits sur ma triste expérience des camps de concentration.

 

          Au cours de ce bref séjour, nous avons décidé mon épouse et moi de visiter les environs de cette bourgade, lieux que je connaissait parfaitement, ayant arpenté les prés et les bois, soit pour porter des plis pour le réseau de résistants auquel j’appartenais, soit pour y récolter des champignons des prés et dans les bois lors de l’automne, bolets, ceps, lactaires et autres mousserons d’un goût délicieux.

 

          Nous avons pris au hasard la route de St Léger, afin de pouvoir retrouver les rives de la Truyère, vers l’ancienne usine d’électricité, mais arrivé à ce village, après avoir pris quelques photos et comme mû par je ne sais quel sentiment, j’indiquais à mon épouse une petite route qui commençait sur la gauche en direction de Chaulhac.

La route montait de façon continue, avec de nombreuses courbes et virages ardus, nous laissant apercevoir de part et d’autres des pâturages, des petits bois de sapin, que  je reconnaissais comme si je les avais vu d’hier, pourtant cela fait 63 ans que je ne suis pas revenu en ces lieux. 

Puis après Chaulhac,  un nom surgit à mes yeux : PALADINES ; ma mémoire se mit à lutter avec mes souvenirs et comme aspiré, attiré comme par un aimant, nous avons gagné ce village, tourné dans les ruelles sans direction précise, et nous nous sommes arrêtés devant une maison dans une impasse donnant sur un paysage de cirque montagneux.

 

Une dame âgée, en robe de chambre bleue, se tenait sur le pas de la porte et nous regardait, surprise par cette intrusion matinale.

 

J’entamais alors une conversation insolite avec elle :

-        Pardon Madame, ne serait-ce pas la maison de Madame Archer l’ancienne institutrice des années 40.

-        Oui Monsieur, et ses yeux se mirent à briller.

-        Monsieur Archer était bien le Président de la Société d’Archéologie de la Lozère en 1942-1943

-         En effet, Oui Monsieur…

-        C’est ici que mes parents…

-        Elle m’a interrompu…

-         …Vous êtes Paul Chytelman, …que je suis heureuse, je vais enfin faire la connaissance de celui qui était souvent le sujet de nos conversations, je suis la bru de Monsieur et Madame Archer, Lucienne, j’ai épousé leur fils Pierre que vous avez connu, mais qui était plus jeune que vous, et qui hélas n’est plus depuis trois années maintenant…

-        - … Ce que nous avons pu parler après mon mariage, de vos parents, de votre frère et de vous-même, surtout de vous savoir vivant malgré votre déportation. Nous en avons tant parlé, que malgré qu’à cette époque  je ne vous connaisse pas, il me semblait vous avoir vu, je vous connaissais néanmoins par tous les détails que mes beaux parents m’ont donnés, de votre existence d’être traqués, de vos engagements dans la Résistance.

-        Elle ne finissait point de répéter : ah ! que je suis heureuse de vous connaître…

-        Quelle joie vous m’apportez…et elle recommençait…

 

Puis comme toute chose à une fin, nous sommes repartis mon épouse et moi en direction du Malzieu-ville. Elle a porté ses mains sur son cœur, puis à ses lèvres et souffla sur les paumes de ses mains pour nous adresser un dernier « au revoir » venant de son cœur en guise de baisers.

 

Cette maison que j’avais retrouvé avait été celle d’un havre de salut, un asile pour les réprouvés de cette triste époque. Nous y avons été hébergés plusieurs jours lors d’une alerte « à la rafle ».

Elle abritât aussi des fuyards recherchés par la Gestapo, en particulier certains jeunes F.T.P. originaires de la région de Lyon. Puis, lorsque je fus arrêté, mes parents y trouvèrent refuge plusieurs semaines avant de partir à Chaudes-Aigues rejoindre le commandant Gaspard, responsable militaire de cette région du Nord de la Lozère.

 

J’étais au bord des larmes, un nouveau pan de ma jeunesse était ressurgi de ma mémoire, un jour nouveau sur ma vie tumultueuse était apparu, j’avais alors 20 ans, totalement ignorant des risques de mes engagements.

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